Dernier Cri est une création collective du Théâtre de Coppe, écrite et jouée en 1982. Cette pièce, présentée au Casino de Rouyn-Noranda puis au café-théâtre Le Cargo à Montréal, a été un véritable succès populaire en Abitibi-Témiscamingue.
Comédie musicale nouveau genre
Au début des années 1980, le Théâtre de Coppe reçoit une subvention de 10 000$ pour produire un spectacle. Pendant six mois la troupe, composée de cinq comédien·nes et de quatre musicien·nes, travaille pour mettre sur pied la comédie musicale Dernier Cri composée de douze chansons et neuf scènes. Pour chaque création, la troupe avait l’habitude de faire appel à un professionnel pour les aider dans un des aspects de la création. Pour Dernier Cri, c’est avec l’aide de Guy Thauvette, un comédien montréalais, que la troupe travaille l’improvisation, qui aura une large place dans la version finale.
Dernier Cri est une comédie musicale d’une grande fraîcheur au contenu un peu naïf mais rempli d’humour et d’ironie. Divisée en deux parties, la première se veut légère, pleine de musique et de chansons. Ces dernières ne sont pas un simple support à l’action mais en sont bien une partie intégrante, au même titre que le dialogue et révèlent l’effort exceptionnel de création dont à fait preuve le théâtre de Coppe. La seconde partie, quant à elle, amène davantage le spectateur à réfléchir. Elle repose beaucoup sur l’improvisation et si le fil conducteur se fait moins visible, le canevas de base est tellement bien assimilé par les comédien·nes que les répliques viennent de façon percutante et humoristique.
L’union de l’improvisation et du théâtre n’est pas la seule trouvaille de cette pièce. La qualité et l’originalité du décor illustrent la fantaisie de la troupe. Un décor semblable à un grand paravent composé de pans qui s’ouvrent tels des portes ajoutent de la profondeur à la scène et l’utilisation des ombres chinoises ajoute beaucoup à la beauté visuelle du spectacle.
Dernier Cri ou les “dessus” de la mode
Dernier Cri traite de l’image du “dessus” de la mode et de l’influence qu’elle a sur notre pensée. Si la première partie se veut légère et désinvolte, la seconde partie exige du·de la spectateur·rice un certain courage en le·la plaçant devant ses propres réalités, devant ses propres travers. Sur un fond d’histoires d’amour compliquées, la pièce remet en question le couple traditionnel et fait réfléchir à la possibilité de relations plus satisfaisantes en questionnant nos relations avec les autres, les rapports hommes/femmes et la sexualité. La pièce remet aussi en cause les grosses autos, le petit “joint” libérateur, la bouteille de bière inévitable, la boîte de valium, finalement toutes les béquilles qui nous permettent de garder le cap. Elle amène petit à petit le public à prendre conscience de la solitude dans laquelle l’enferme une série d’habitudes stéréotypées.
Succès abitibien, désillusion montréalaise
Après plusieurs représentations à Rouyn-Noranda et dans la région, la troupe s’en va à Montréal présenter sa pièce au Cargo, une salle qui s’était fait la vocation de faire connaître des troupes régionales. Salle alternative, elle avait une clientèle qui était plus susceptible d’apprécier le spectacle que celle des théâtres traditionnels. Si le public a très bien accueilli le spectacle, il n’en a pas été de même pour la critique…
Réjean Roy raconte : “Le soir de la première, lorsque les journalistes sont venus, on avait fait une erreur technique assez grave. Les micros, nécessaires pour les chansons, étaient placés directement sur les praticables de sorte que, lorsqu’on marchait, les micros amplifiaient les bruits de pas. Il y avait un feed-back terrible. En fait, rien ne marchait du point de vue technique. Alors forcément, on a mal joué. Robert Lévesque, qui avait fait un communiqué de presse très encourageant pour annoncer le show, a fait une critique qui a démoli le spectacle. Même si Francine Grimaldi, à la radio, affirme qu’elle a adoré la pièce et n’a que des commentaires élogieux, même si le public a bien répondu chaque soir, rien n’y fait : l’équipe est démobilisée.”
Lise Pichette, Nicole Perron et Barbara Poirier ajoutent :
“Une création collective n’est jamais terminée, et même si la critique à Rouyn était des plus élogieuses, on sentait bien que la deuxième partie du spectacle était imparfaite… Alors on a continué à changer des choses, à travailler. On jouait à Montréal trois semaines après la dernière à Rouyn. On aurait dû se reposer.”
“[À Montréal], on avait passé la journée à faire le « set-up », à monter la pièce, le décor. On n’avait pas soupé, Nicole avait une pneumonie. On aurait dû attendre avant de faire venir les critiques. On a eu ce problème de micro et de feed-back, c’est vrai, mais ce n’est pas tout : on a manqué de « wattage », on a joué dans la noirceur. Et le jour de la dernière, on s’est fait voler tous les instruments de musique.”
Après cette expérience montréalaise difficile, les membres de la troupe ont voulu monter un spectacle plus souple, avec moins de musicien·nes et de comédien·nes. De là est né Maudit qu’chu colonne, présenté à Sainte-Jovite. Malgré cette pièce, la troupe avait du mal à se remettre du choc montréalais et avait besoin d’un autre projet. Rêvant depuis toujours d’avoir un local dédié à la création et à la diffusion de leurs pièces, l’opportunité se présente dans le quartier du Vieux Noranda. L’aventure Dernier Cri finit donc avec la création du Cabaret de la Dernière Chance qui connaitra de beaux jours et remettra du baume au coeurs aux comédien·nes d’ici !
Équipe de conception
Mise en scène : Guy Thauvette
Animation : Guy Thauvette
Musique : Nicole Perron et Richard Fortier
Décor : Daniel Dugré
Costumes : Alice Pomerleau et Nicole Carrier
Eclairage : André Blais
Son : Jean-Guy Deslauriers
Interprétation
Gabriel Bertrand
Guy Dallaire
Richard Fortier
Rachel Lortie
Nicole Perron
Lise Pichette
Alice Pomerleau
Réjean Roy
Robert Roy
Sources
Julianne Pilon, Dernier cri: un spectacle à voir, La Frontière, mercredi 28 avril1982, p.51.
Le Théâtre de Coppe présente “Dernier Cri”, La Frontière, mercredi 14 avril 1982.
Du théâtre en Abitibi-Témiscamingue? Du théâtre en Abitibi-Témiscamingue, Cahiers du département d’histoire et de géographie du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, 1990.
Crédits photo
BAnQ Rouyn-Noranda (P227), fonds de François Ruph