En mémoire du “défunt” Lac Osisko 

Voilà comment titrait un article du journal local de Rouyn-Noranda en novembre 1985 pour inviter “toute la population de la circonscription […] à célébrer un requiem en mémoire du défunt lac Trémoy dit Osisko.” 

Proposée par les productions “Parallèle 48” (dont plusieurs membres sont également actifs au Théâtre de Coppe), le théâtre des masques et le Comité permanent sur l’environnement à Rouyn-Noranda (CPERN), l’activité “promet d’être haute en teintes obscures.” Sorte de déambulatoire mortuaire théâtral, le requiem pour le Lac Osisko invite la population à se regrouper, en tenue de deuil, “au pied des installations de la division Horne de la compagnie multinationale canadienne Noranda Inc” pour entamer une marche en direction du monument “Rouyn-Noranda, capitale nationale du cuivre” au centre-ville. 

Active depuis 1926, la Noranda Inc. commence à s’attirer les foudres de la population locale. Au cours des années 70, plusieurs études montrent une détérioration importante de l’environnement, due aux émanations en provenance de la fonderie de cuivre. La population, avisée des risques pour la santé, tente alors de faire entendre sa voix. Le CPERN, un rassemblement de citoyens, a d’ailleurs pour objectif à sa création dans les années 1980, de faire pression sur la Ville et le Gouvernement pour que la fonderie Horne réduise ses émissions polluantes. 

Le requiem pour le Lac Osisko en novembre 1985, est une tentative de plus de la population pour faire savoir à la Noranda Inc, qu’elle doit cesser de polluer. En pleine période électorale, l’invitation est lancée par “la ministre des Affaires pressées du Québec”, Mme Lise Pichette dont on connaît les revendications environnementales. Selon elle, “c’est un geste au-dessus de la partisanerie politique que nous invitons le public à poser. Il s’agit d’une trêve dans la guerre électorale.” Dès les années 1980, on clame que certaines préoccupations dépassent les couleurs politiques et exigent les efforts de tous.

Lors de la “représentation”, le cortège est escorté par la police et accompagné de véhicules dotés de hauts parleurs. En première ligne, la procession s’ouvre par une anode couleur cuivre où est inscrit “Rouyn-Noranda, capitale provinciale de la pollution” et derrière elle, les manifestants défilent lentement, vêtus de noir. Pour ajouter au burlesque de l’événement, ils sont masqués des créations de Denis Miron. C’est alors un poisson mort, la statue de la liberté, une corneille, des têtes de mort et d’autres personnages tragiques qui défilent de la fonderie au centre ville de Rouyn-Noranda pour honorer le défunt Lac Osisko. Mort sous les coups de l’industrie qui, presque 40 ans plus tard, continue de tuer à petit feu, le Lac Osisko est toujours au centre des préoccupations des habitants de Rouyn-Noranda qui ont à cœur de sauvegarder le petit joyau de leur ville. 

Sources

BAnQ Rouyn-Noranda, P265, fonds de la troupe de théâtre “Les Zybrides”

Crédit photo

Fonds François Ruph (P227), BAnQ, Rouyn-Noranda