Asgard, Loki, Odin, Thor, Ragnarök…ces noms vous disent sans doute quelque chose. En effet, ils peuplent notre imaginaire et sont notamment véhiculés par de nombreux films et séries mais ils appartiennent avant tout à la culture viking qui ne cesse de nous intriguer. Par son côté mystérieux et d’un autre âge et par l’intermédiaire de la mythologie fantastique et foisonnante qu’il a laissé derrière lui, l’univers viking est un merveilleux terrain de jeu pour les esprits créatifs. C’est d’ailleurs cette thématique qui a été retenue par les étudiant·es de première année de maîtrise en création numérique à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue pour le laboratoire de création et d’interactivité qui les a occupé·es durant toute une semaine au Petit Théâtre en mars dernier.

Depuis maintenant six ans, le Petit Théâtre et le département de création numérique de l’UQAT collaborent pour offrir aux étudiant·es de première année de maîtrise une semaine de recherche et de création en lien avec les technologies numériques avec la participation d’artistes professionnel·les. Le laboratoire c’est l’occasion pour les élèves de vivre une expérience professionnelle créative dans un lieu culturel intégrant les technologies dans les arts vivants et pour les artistes invité·es d’ouvrir leurs horizons et leurs perspectives artistiques vers les outils technologiques et de les intégrer dans leur pratique. Cette année, c’est une conteuse et marionnettiste, Camille Deslauriers Ménard, qui a été choisie pour rejoindre l’aventure et travailler en collaboration avec les étudiant·es pour imaginer et créer une expérience immersive sur le thème choisi.

Sprint créatif au Petit Théâtre

Quoi de mieux qu’un jeu, lors du traditionnel réveil-matin collectif, pour découvrir tous les recoins du Petit Théâtre, dont la plupart des étudiant·es franchissaient les portes pour la première fois ? Devant ce dédale de pièces, de couloirs et d’escaliers est née l’envie d’utiliser le théâtre comme espace propice à un déambulatoire au sein des différents royaumes de l’univers vikings et d’utiliser les technologies pour créer des ambiances sonores, visuelles et lumineuses variées dans le but de narrer une histoire. Rapidement, des groupes se sont formés et les espaces ont été répartis entre eux.

Durant toute une semaine, les idées ont fusé, parfois au-delà de la faisabilité réelle d’une résidence de six jours, les étudiant·es ont sorti du matériel, dessiné, découpé, assemblé, codé, enregistré, etc. Les un·es se sont appuyé·es sur leurs connaissances pour apporter leur expertise au projet, d’autres ont voulu développer leurs compétences en apprenant à utiliser de nouveaux outils, le tout supervisé par l’équipe de l’UQAT et du Petit Théâtre et dans une ambiance d’effervescence créative. 

Au sein de ce bouillonnement silencieux déambulait Camille Deslauriers Ménard ayant pour mission de lier entre elles toutes les stations et donner au tout une cohérence scénaristique. C’est aussi elle qui a soulevé l’importance de prendre conscience que ce que nous connaissons de la culture viking provient bien souvent de sources écrites par les chrétiens qui essayaient d’assimiler les population vikings à leur religion. La  mythologie des vikings, transmise de façon orale, n’a laissé derrière elle que très peu de traces écrites et c’est avec l’aide d’Iduun Isdrake, une consultante suédoise et porteuse de savoirs, que les étudiant·es ont pu coller le plus possible à la réalité de la culture viking en évitant les ajouts de la chrétienté. Il a par exemple été décidé d’écrire les notices en langue inclusive puisque le genre des dieux·déesse était indéfini ou changeant. Malgré cela, il faut bien garder en tête que l’expérience proposée reste une interprétation et une adaptation de cet univers et qu’elle ne fait qu’emprunter à la culture scandinave sans prétendre être historiquement juste.

Bienvenue à Yggdrasill

Chaque groupe a donc travaillé à l’élaboration d’une “station” qui allait prendre place dans le parcours global du déambulatoire. Dans la mythologie viking, Yggdrasill c’est l’arbre-monde qui regroupe les 9 royaumes (Midgard, Asgard, Vanaheim, Niflheim, Alfheim, Svartalfaheim, Nidavellir, Jötunheim, Muspelheim) qui composent l’univers. C’est à travers ces royaumes que les spectateur·rices sont invité·es à vagabonder. 

Tous ces royaumes ont leur spécificité, ils sont chacun le refuge d’un peuple (nain, elfe, humain, etc.) mais surtout, certains sont plus maléfiques que d’autres. Cette dualité est devenue la clé du parcours déambulatoire et le théâtre s’est vu divisé en deux espaces : la salle du haut représentant le Valhalla, Asgard et Vanaheim était plutôt un espace chaleureux et accueillant alors qu’au sous-sol, c’est le royaume de Helheim ou Niflheim, royaume de glace et de brouillard qui attendait les plus courageux·ses. Pour voyager de l’un à l’autre, le public devait passer par le Bifrost, un pont reliant habituellement Midgard et Asgard et souvent représenté par un arc-en-ciel.

Ainsi, tout au long du parcours, les spectateur·rices passaient d’une ambiance sonore, visuelle et lumineuse à une autre en fonction des actions qu’ils réalisaient. À l’étage, iels pouvaient discuter dans une taverne viking et découvrir quelques divinités à l’aide de la roue des dieux·déesses interactive. Dans les escaliers, il fallait enclencher les épées de Heimdall, pour activer le portail arc-en-ciel de DEL. Venait ensuite la rencontre avec Hel, gardienne de Helheim qui hébergeait les esprits des morts déshonorables. Sa voix résonnait tout au long du parcours pour mettre en garde le·la spectateur·rice que la présence des vivant·es n’était pas la bienvenue au royaume des morts. Après être remonté des tréfonds du monde, le public assistait au Ragnarök, narré sur scène par la comédienne Camille dans une ambiance rouge sang. On comprend alors que les vikings voyaient le monde comme une succession de périodes de catastrophes puis de reconstruction et ce selon un cycle infini. 

Enfin, pour enrichir la découverte de cet univers et pour rendre l’expérience encore plus ludique et accessible aux enfants, de nombreuses cartes, notices, icônes étaient cachées dans tout le théâtre. Il ne restait alors qu’à tous les trouver pour compléter l’expérience et tout connaître de l’interprétation de l’univers viking proposée par les étudiant·es.

Finalement, après cette semaine éprouvante, les étudiant·es ont repris le chemin des classes pour terminer leur formation tout en ayant eu un aperçu des possibilités créatives offertes par les technologies numériques et le Petit Théâtre dans un cadre professionnel et enrichissant !

Crédits photo : Hector Vallet et Alex Alisich