L’histoire du Petit Théâtre du Vieux Noranda tel qu’on le connaît aujourd’hui, lieu multidisciplinaire et dynamique en plein cœur du quartier historique du Vieux Noranda a une histoire qui remonte à plusieurs décennies et qui dépasse les murs du bâtiment de la 7e rue. Il faut remonter aux années 1970 pour voir les prémices de cette histoire, initiée par un petit groupe de passionné·es. 

Contexte historique de la création 

Il y a de ça plusieurs décennies, on pourrait s’imaginer que le théâtre en région est très dépendant de ce qui se fait dans les grands centres, notamment Montréal et Québec. Pourtant, l’histoire du théâtre en Abitibi-Témiscamingue, malgré le jeune âge de la région, est le reflet d’une effervescence culturelle vouée à perdurer.

Dans les années 1970, alors que les troupes nationales préfèrent mettre en scène les pièces d’auteurs du vieux continent, le théâtre québécois est à l’honneur dans les troupes locales. Le rôle du théâtre amateur est donc essentiel dans l’invention du répertoire. Ce sont les troupes locales qui positionnent d’abord le théâtre d’auteurs québécois sur le marché et en 1980, on compte une quinzaine de groupes de théâtre en Abitibi-Témiscamingue.  

La ville de Rouyn-Noranda fait pleinement partie de ce développement. Dès sa création, en 1926, le théâtre fait partie de ses activités culturelles. D’ailleurs, la ville compte à elle seule six théâtres, même si la plupart de ces salles sont appelées “théâtres” parfois à tort en raison d’un anglicisme et sont utilisées à des fins de divertissement et en particulier au visionnement de films populaires. En effet, à cette époque, le théâtre est principalement anglophone et les pièces francophones sont marquées par une omniprésence du caractère religieux et émanent du milieu scolaire. Les décennies 1970-1980 vont marquer, à Rouyn-Noranda, le début d’une nouvelle ère avec une certaine institutionnalisation du théâtre, le développement de troupes professionnelles et la sortie du théâtre du collège.

Le Théâtre de Coppe : 1977 – 1987

Le Théâtre de Coppe, ancêtre du Petit Théâtre du Vieux Noranda, s’inscrit dans ce portrait du théâtre en Abitibi-Témiscamingue et de Rouyn-Noranda. Avec ses dix ans d’existence, il va marquer le théâtre en région et lancer la carrière de jeunes “théâtreux” plein de talent.

De la dissolution du C.D.R. au Théâtre de Coppe

La compagnie du Théâtre de Coppe voit le jour suite à la dissolution du Centre Dramatique de Rouyn créé en 1971. Appuyé financièrement par le Cégep et la ville de Rouyn, le Centre Dramatique de Rouyn avait rassemblé les principaux et les plus enthousiastes animateur·rices du théâtre du Collège et les étudiant·es les plus talentueux·ses dont faisaient partie Lise Pichette et Alice Pomerleau. Avec le C.D.R, le théâtre commence à se professionnaliser et sort du Collège. Le CDR va produire un grand nombre de spectacles au cours de son existence, profitant du tout nouveau Théâtre du Cuivre pour répéter et se produire. Mais, après quatre années d’existence, le Centre Dramatique de Rouyn cesse ses activités.

Le 7 janvier 1977, d’ancien·nes membres du C.D.R., attiré·es par la création, forment autour de Jeanne-Mance Delisle le Théâtre de Coppe. Contrairement aux autres troupes de théâtres professionnelles qui exercent dans la région à cette époque, le Théâtre de Coppe est l’une des premières troupes à privilégier des productions d’auteur·es locaux·ales, par des adaptations ou des créations collectives. La troupe a comme objectif premier le développement du théâtre dans la région, hors des cadres du théâtre traditionnel et permettant un rapprochement avec le public et la réalité abitibienne. Possédant tous·tes une formation en art dramatique ou une bonne expérience de la scène, les membres du groupe, appuyé·es par la présence d’une auteure, Jeanne-Mance Delisle, quasi attitrée à la troupe, assurent une qualité et une régularité de la production. 

Le premier spectacle du Théâtre de Coppe, V’nez nous voir avant qu’on y aille, présenté au Café Chanté en mars 1978, reçoit plusieurs critiques positives mais c’est surtout Un reel ben beau ben triste présenté en mai 1978 à la Maison Coopérative de Rouyn-Noranda qui annonce la consécration de la troupe. Pour le Théâtre de Coppe, cette pièce est déterminante : il devient “théâtre d’auteur” et Jeanne-Mance Delisle, dont le texte est repris à Québec et à Montréal, entre dans la dramaturgie québécoise.

Fort·es de cette remarquable production, les membres parviennent à faire reconnaître leur travail auprès du ministère des Affaires culturelles et son programme Ose-Art qui subventionnera les productions de la troupe pendant quelques années. C’est donc des créations (Un rire oublié, La Mémoire d’Or, Ricky et Léone, quatre ans déjà, Dernier Cri, Maudit qu’chu colonne, etc.) plus originales les unes que les autres qui s’en suivront, ainsi que des tournées dans la région et à Montréal.

Au-delà de ses activités de production, un souci de perfectionnement a toujours animé les membres du Théâtre de Coppe. Iels participent à des ateliers de création et d’improvisation, sous la direction d’animateur·rices reconnu·es et s’efforcent de toujours développer leurs connaissances techniques. Convaincu·es que la région est riche en potentiel artistique et que leur place est là, leur désir de créer, d’apprendre et de produire ne faiblit pas.

Création du Cabaret de la Dernière Chance

Avec la professionnalisation du théâtre en région et l’affluence d’un public de plus en plus important, le besoin d’infrastructure adaptée devient indispensable à la poursuite des activités théâtrales. En 1968, l’inauguration du Théâtre du Cuivre apporte une réponse au problème mais la solution sera de courte durée puisque rapidement, la salle devient inaccessible. Réservé aux tournées des troupes nationales, programmation prévue des mois à l’avance, location trop chère, salle trop grande, le Théâtre du Cuivre ne correspond pas aux moyens des troupes locales.

Lassé de l’absence de lieux de diffusion intermédiaires à Rouyn-Noranda, un groupe de dix passionné·es dont cinq sont membres du Théâtre de Coppe, investissent chacun 1500$ pour ouvrir le Cabaret de la Dernière Chance, « un café-restaurant-bar-théâtre voué à la promotion et à la diffusion culturelle à Rouyn ». Inauguré le 15 décembre 1982, le Cabaret de la Dernière Chance, dont le nom est inspiré du roman de Jack London, First and Last Chance Saloon, apporte un nouveau souffle à la création. Situé sur la 8e rue en plein coeur du Vieux Noranda, cette nouvelle salle est selon Rock Aubert, le signe « que la relève [en théâtre] existe à Rouyn ». La troupe du Théâtre de Coppe dispose désormais d’un local de répétition et de création au sous-sol et d’un bar-restaurant au rez-de-chaussée qui doit permettre à la troupe de s’auto-financer. 

 

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ÉquipeCabaretDeLaDernièreChance_CréditPhoto:FrançoisRuph

Travaux_Cabaret de la Dernière Chance_Crédit Photo:François Ruph

Lise Pichette_Cabaret de la Dernière Chance_Crédit photo:François Ruph

Rachel Lortie_Cabaret de la Dernière Chance_Crédit Photo:François Ruph

Lise Pichette_Cabaret de la Dernière Chance_Crédit photo:François Ruph

Inauguration du Cabaret de la Dernière Chance_15 décembre 1982_Crédit Photo:François Ruph

 

Après plus d’une dizaine de productions sous diverses formes, la pièce Un oiseau vivant dans la gueule de Jeanne-Mance Delisle, présentée au Festival de théâtre des Amériques en juin 1987 marque la fin de la troupe. Pendant ses dix ans d’existence, le Théâtre de Coppe a produit des spectacles audacieux qui ont pavé la voie au développement du théâtre en région. 

Le Théâtre de Coppe c’est un théâtre social marqué par l’auteure Jeanne-Mance Delisle et qui 

« malgré les tentatives d’explorer d’autres avenues telles que création collective, spectacle musical, en revient toujours aux textes de Jeanne-Mance Delisle comme garanties de l’orthodoxie de l’esprit coppéen ».

Les productions du Théâtre de Coppe

Sources :

Sébastien Tessier, “L’histoire du théâtre en Abitibi-Témiscamingue : de l’art en barre!”, dans A rayons ouverts, dossier Le Théâtre, n°89, printemps-été 2012, p. 13.

Claude Lizé, “Le théâtre de collège : de la théorie à l’étude d’un cas”, dans Du théâtre en Abitibi-Témiscamingue? Du théâtre en Abitibi-Témiscamingue, Cahiers du département d’histoire et de géographie du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, 1990, p. 41.

Marta Saenz de la Calzada, “Quand on va à Montréal”, dans Du théâtre en Abitibi-Témiscamingue? Du théâtre en Abitibi-Témiscamingue, Cahiers du département d’histoire et de géographie du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, 1990, p. 164.

Jean-Guy Côté, “Trois saisons théâtrales à Rouyn-Noranda”, dans Du théâtre en Abitibi-Témiscamingue? Du théâtre en Abitibi-Témiscamingue, Cahiers du département d’histoire et de géographie du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, 1990, p. 90.

Rock Aubert,« L’Abitibi-Témiscamingue : théâtre de l’incertain», Jeu, n°36, Montréal, 1985, p.257.

Crédits Photo :

François Ruph, BAnQ, Rouyn-Noranda, fonds de la troupe de théâtre « Les Zybrides » (P265)