Après avoir quitté le Cabaret de la Dernière Chance en 1996, la troupe de théâtre Les Zybrides loue un emplacement au Canadian Corps situé au 112, 7e rue dans le quartier du Vieux Noranda. Le Théâtre de Coppe avait déjà, dans les années 1970-80, utilisé cette salle pour produire ses spectacles.

La Remembrance House ou Canadian Corps

Inaugurée le jour de l’armistice, le 11 novembre 1948, la Remembrance House, aussi connue sous le nom de Canadian Corps, a été construite pour accueillir la 7e branche du Canadian Corps. Elle a été nommée ainsi en l’honneur des soldats de la communauté qui sont allés au front ou qui y sont tombés. On y retrouvait d’ailleurs un « Memorial Lobby », dédié à 81 hommes tués à la guerre.

Outre les quartiers généraux de l’association, l’endroit servait à des activités sociales. Un auditorium avec cantine pouvait être loué par n’importe quelle organisation. On y retrouvait des quilles, du crible, des bingos, des mariages, des soirées dansantes chaque samedi soir et des événements destinés à toute la famille.

« Ma mère dansait le boogie, le fils de René Breton, chargé de chantier, joue dans un band métal, la cousine de l’un s’est mariée ici, et le père de l’autre se tenait en bas aux vétérans. Le Petit Théâtre a toujours été un lieu qui appartenait à la communauté, un lieu ouvert au divertissement et au plaisir. Il faut préserver ces beaux souvenirs. »

Rosalie Chartier-Lacombe

Avant la création du Cabaret de la Dernière Chance, la troupe du Théâtre de Coppe avait l’habitude de louer la grande salle pour y présenter ses créations, comme par exemple la pièce Ricky et Léonne, quatre ans déjà en 1981. Puis à partir de 1996, la troupe Les Zybrides, à nouveau sans local, commence à louer un local de façon permanente au Canadian Corps. Les pièces Où sont passés les vrais dimanches ? et Le sang, l’amour et les clowns y sont d’ailleurs créées et présentées au public.

Puis l’opportunité d’acheter le bâtiment s’offre à la troupe, les vétérans de la guerre se dirigeant vers une faillite inévitable. Rêvant depuis toujours d’avoir un espace de création et de diffusion fixe et adapté, l’occasion est à ne pas manquer et le potentiel est énorme. L’ancien Canadian Corps est un lieu idéal pour promouvoir la création artistique théâtrale (le volume est parfait et une grande scène est déjà en place) et Les Zybrides acquièrent le bâtiment le 11 novembre 2001. Porté par la voix culturelle qui s’affirme dans la région, c’est la naissance officielle du Petit Théâtre du Vieux Noranda.

Début d’une nouvelle ère

Avec la création du Petit Théâtre, l’activité de la troupe se diversifie. En 2002, c’est le premier FME et le début des shows hip-hop avec 7ième ciel Records. En 2003, c’est la naissance de la ligue d’improvisation puis en 2005 le début de la collaboration avec le Festival des Guitares du Monde. Malgré son nom, le Petit Théâtre ne présente plus que de l’art dramatique mais diversifie son offre culturelle.

En 2005, l’état de la bâtisse, vieille de plus d’un demi siècle, est critique. Si aucune rénovation n’est faite, le Petit Théâtre devra fermer. Rapidement, la campagne de financement intitulée « Mon Petit Théâtre je l’aime SOLIDE ! » est lancée pour rénover la coquille puis une seconde en 2012-2014 « Mon Petit Théâtre, je l’aime RÉNOVÉ ! » pour mettre le théâtre aux normes, le rénover à l’intérieur et l’équiper pour en faire un lieu attractif et adapté. 3,6 millions de dollars ont été nécessaires afin de rénover le Petit Théâtre et parmi eux, 360 000$ ont été fournis par la communauté, que ce soit des particuliers ou des entreprises. Cet engagement citoyen autour du Petit théâtre était la preuve de l’importance de ce lieu au cœur du quartier et de la ville. 

Plusieurs projets artistiques ont été au cœur des rénovations du bâtiment pour faire perdurer ce lien avec la communauté et laisser au théâtre son âme et son authenticité. Karine Berthiaume a participé au projet, Solange Coulombe a réalisé le vitrail au sous-sol et Claude Bérubé les lustres de bois. Quant à Rock Lamothe, il a eu le mandat de rendre hommage, via ses peintures, à Lise Pichette, l’une des fondatrices des Zybrides. À l’extérieur, c’est l’œuvre de Manon Pelletier que l’on retrouve et plus récemment, Zoé Julien-Tessier a réalisé une œuvre qui orne plusieurs espaces du théâtre.

C’est aussi le début d’une nouvelle ère de création avec des pièces d’un nouveau genre : Bascule, sur la route de l’Ouest, Bascule, sur la route des Grunambules, Juliette et Victorin ou encore les cinq éditions de Ma Noranda, pièce de théâtre déambulatoire qui, sur un fond d’histoire d’amour entre Mèche Courte et Fleur Bleue, entraîne le public dans une excursion urbaine et poétique, à la recherche du chat perdu de Mèche Courte.

Le Petit Théâtre aujourd’hui 

En 2012, Le Petit Théâtre du Vieux Noranda décide de prendre un virage numérique et se spécialise dans l’intégration des outils technologiques dans les arts vivants. Au fil des années, grâce à l’acquisition d’équipements spécialisés et l’embauche d’expertises humaines, le Petit Théâtre devient un pôle créatif numérique d’excellence au Québec. En 2016, il devient l’une des 22 salles au Québec participant au projet « Scènes ouvertes » de la Société des Arts technologiques. Grâce à la station SCÉNIC qui permet de synchroniser jusqu’à sept salles en simultané, les possibilités créatives sont démultipliées. 

Aujourd’hui, plus de 40 ans se sont écoulés depuis la naissance du Théâtre de Coppe, ancêtre du Petit Théâtre. Le Petit Théâtre a grandi en diversifiant ses mandats et en s’ouvrant à de nouveaux horizons et perspectives, mais ses valeurs sont restées inchangées. Les racines des créations puisent toujours leur inspiration dans l’identité abitibienne et restent ancrées dans la communauté. Dans la lignée des Zybrides qui avaient à cœur de partager leur savoir, travailler de pair avec les artistes locaux et former la relève, on peut dire qu’une belle famille s’est créée autour du Petit Théâtre. Si le caractère social des œuvres présentées est peut être moins évident qu’au temps du Théâtre de Coppe et des Zybrides, elles restent tout de même engagées et enracinées dans les enjeux de notre temps.

Du Théâtre de Coppe au Petit Théâtre du Vieux Noranda, la boucle est bouclée. La création se poursuit, ancrée dans son époque, mais sans jamais oublier d’où elle vient.

Les productions des Zybrides (2001-2022)

Sources

Jonathan Barrette, L’armée dans nos rues, juillet 2020.

Jessica Lesage, Votre Petit Théâtre pour toujours!, L’indice Bohémien, juillet-août 2015.

Crédits photo

Régis Massicotte

Camille Barbotteau

BAnQ Rouyn-Noranda (P227), fonds de François Ruph